La clopinette, cette inconnue

Publié le par Eric Nieudan -

Chacun sait qu'un capitaine, ça voit du pays. Ça voyage, ça découvre de nouveaux horizons et ça rencontre de nouvelles vies étranges. Bref, ça va hardiment où aucun navire n'est jamais allé. Du coup, si je veux mériter mon titre autoproclamé de surcapitaine, je me sens obligé de rendre compte de quelques incursions imaginaires et autres voyages virtuels. Comme des occupations festives me réclament aujourd'hui, je commencerai par une simple page du surbestaire.  

L'écologie de la clopinette

On l'a longtemps prise pour une fée, une créature du petit peuple venue d'un des onze royaumes magiques. Ce n'est pas sans raison : son cri flûté, sa démarche chaotique, sa peau luminescente lui confèrent un aspect des plus éthérés. Ajoutez à ce tableau une tête en forme de champignon et une consommation de cigarettes digne d'un régiment de combattants du feu, et vous êtes dans un carnet du grand maître Froud.

Mais la réalité est toute autre, comme l'a découvert l'ultrazooloologue Rin Renn au terme d'une étude qui l'occupa - que dis-je, l'obséda ! - pendant la plus grande partie de sa carrière.

Treize années de recherches pour localiser le lieu de nidification de la créature. Huit pour mettre au point un piège qui fonctionne sans toutefois réduire la créature en fricassée. Quatre pour trouver un régime qui lui convienne afin qu'elle ne meure pas de faim dans sa cage pendant le voyage du retour. Tout ça pour qu'une fois enfin installé dans son laboratoire, le vieux savant entende une petite voix lui demander:

"Vous voulez savoir quoi, au juste, monsieur ?"

Le corps de Rin Renn fut découvert le lendemain matin par sa femme de ménage. Il était mort d'une attaque. Honteuse, la clopinette voulut essayer de se racheter. Elle demanda à la femme de ménage, une certaine madame Branchu, de bien vouloir prendre en note les us, coutumes et bizarreries de son peuple. Ainsi, le pauvre feu professeur Renn verrait l'œuvre de sa vie s'accomplir posthumement. Le sourire angélique du cobaye vainquit la réticence de la brave dame, qui plaidait une orthographe hésitante et beaucoup de travail à faire ce matin-là. Au terme de sept jours d'efforts sous la dictée, le manuscrit produit comptait quatre cent vingt quatre pages pleines à craquer de détails inédits sur les mœurs de la clopinette. De ratures aussi, mais là n'est pas le propos. Car cette race inconnue allait sortir de l'anonymat en même temps que le nom de Rin Renn (qui n'était connu que pour sa contribution à l'élaboration d'un régime alimentaire équilibré pour le canarivore cannibale).

Cette belle histoire se termina dans un incendie de proportions cataclysmiques, causé par la chute d'un mégot mal éteint sur un tas de feuilles chiffonnées. La clopinette reste à ce jour mal connue et entourée de folklore. Aussi si par hasard vous en croisez une au détour d'un bois brumeux, clopinant la clope au bec en sifflotant un air, n'essayez surtout pas de la capturer. Demandez-lui d'où elle vient, ce sera plus simple.

Je profiterai de l'occasion pour remercier Cyril Pasteau, l'inventeur du titre de surcapitaine. Si, si, regardez dans les Carnets de Voyages, parmi les personnalités de Brillance. Merci, Cyril !

Publié dans Pétage de neurone

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